OEuvres et Écrits de Charles Maurras V

Trait singulier de l'intelligence et du sentiment de ce pays-ci une conscience fran aise se r veille dans les moments de col re et de deuil. Oui, certes, nos diversit s sont inh rentes la forme de notre sol et de notre esprit, mais il faut bien aussi qu'il y ait « une France. Oui, notre unit fut un chef-d'oeuvre d'art historique, mais cette unit -l dut avoir ses raisons, elle dut correspondre des r alit s tangibles, pour avoir r sist tant de destructeurs Une civilisation, un esprit, une langue, un go t, une soci t , une politesse, des moeurs, ces expressions d'int r ts profonds ou sublimes, ces hauts produits de notre combinaison s culaire ne peuvent donc se renoncer aussi facilement que l'esp rent nos ennemis. Menac s, ils se d veloppent et la sensibilit patriote qui se manifeste par la force de la douleur peut changer, par sa r action, bien des choses notre destin.

Mais, surtout, ne supposons pas qu'elle doive jamais devenir assez claire pour commander et r gner seule. Le sort de l'Assembl e de 1871 avertit que nous ne sommes pas un pays d'opinion gouvernante. Pure, droite, patriotique, l'opinion fran aise livr e ses l ments propres est vou e aux d chirements. Mais, de le bien sentir, peut venir le salut. Et, vrai dire, il vient. Ce que peut cr er, ce que cr e d j la renaissance d'un v ritable esprit public c'est la vue pr cise, la pens e clairvoyante de son centre et de ses limites. On revient cette pens e avec nettet et courage. Comme dans le discours de Ronsard sur les mis res de ce temps, on refuse d'admettre que nos longs efforts historiques soient avort s, que la fin de la France approche et que tant de h ros et de princes, de citoyens et de soldats aient travaill , pein , combattu inutilement. La nouvelle g n ration, surtout, s'est r volt e contre la r signation la mort; elle ouvre de grands yeux sur les encha nements de causes et d'effets qui ont amen nos malheurs, et la le on comprise semble devoir tre appliqu e. Au surplus, la g n ration ant rieure d fend avec mollesse l'erreur dont elle fut berc e et, quand elle s'entend prement reprocher d'avoir lev sur le tr ne ou scell sur l'autel la statue de la Division, l'id e de la Querelle, la notion du Parti, elle cesse de se vanter, comme jadis, d'avoir fait un pas m morable sur la barbarie des vieux ges elle tombe d'accord que l'idole tait un faux dieu et que les Ma tres avaient raison d'en attendre bien des malheurs. La seule excuse offerte consiste all guer que le mal est fait sans rem de.