Lorenzo Benoni

" Ce n'est pas seulement aux int r ts mat riels que la guerre est d favorable: la litt rature en souffre galement, sans avoir, pour patienter et attendre, les m mes ressources que les int r ts mat riels, - les n cessit s de la vie, par exemple, auxquelles bon gr , mal gr , il faut satisfaire, et les d penses capricieuses de la vanit et de la sensualit , qui, assez vivaces pour r sister aux r volutions et aux temp tes, offrent toujours l'industrie une source intarissable d'affaires et de profits. Il en est autrement avec les choses qui n'existent que par les loisirs d'un certain public et la curiosit des esprits. Cette curiosit ne se porte plus sur le roman nouveau ou l'oeuvre dramatique r cente, mais sur les d p ches t l graphiques, les correspondances trang res et les lettres des amis absents qui nous aident suivre le mouvement des flottes, les marches des arm es, les ravages du chol ra. Dans un tel tat de choses, la curiosit de l' crivain est, elle aussi, fort mouss e; il ne prend plus le m me plaisir observer le monde auquel il est m l , p n trer les secrets de la vie qui l'environne: il partage la disposition g n rale et porte involontairement les yeux l o les porte le monde entier. Alors closent par milliers les livres de circonstance; c'est le bon moment pour une foule d' crivains de trouver placer leur prose en fabriquant un livre qui n'aurait jamais t fait, ou de se faire un nom en publiant une brochure politique..."