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Beskrivelse
"10 mai 1792. Je me confirme chaque jour dans l'opinion que je vous ai communiqu e mon arriv e, c'est que la premi re ardeur de la r volution est apais e. La lune de miel est vraiment pass e et il me semble voir approcher quelque chose qui ressemble l'indiff rence. Peut- tre que les Fran ais eux-m mes n'ont pas conscience de ce changement; mais, pour moi qui ai t absente deux ans et qui ai vu l'enthousiasme tout d'un coup apr s la froideur, sans passer par les gradations interm diaires, mon impression n'a pu manquer d' tre vive. Quand j' tais ici, en 1790, on pouvait peine dire qu'il y e t des partis; le triomphe populaire tait trop complet et trop r cent pour laisser place l'intol rance et la pers cution; le clerg et la noblesse se soumettaient en silence ou paraissaient se r jouir de leur propre d faite. En r alit , c' tait la confusion d'une conqu te d cisive; les vainqueurs et les vaincus taient m l s ensemble; les uns n'avaient pas le loisir de se montrer cruels, les autres de m diter une revanche. La politique n'avait pas encore divis la soci t ; la faiblesse et l'orgueil des grands, la malice et l'insolence des petits, n'avaient pas encore d peupl les places publiques. La politique des femmes n'allait pas au del de quelques couplets la louange de la libert , et le patriotisme des hommes se bornait un habit de garde national, la devise d'un bouton, ou une orgie nocturne qu'ils appelaient monter la garde. Le m tal tait encore abondant, du moins l'argent (car l'or avait d j commenc dispara tre); le commerce suivait son cours habituel et, en un mot, pour ceux qui n'observaient pas plus profond ment que moi-m me, tout semblait gai et florissant. Le peuple tait persuad qu'il tait plus heureux que par le pass et, devant une telle apparence de satisfaction, il aurait fallu tre un bien froid politique pour pr voir s v rement l'avenir. - Mais tout cela est maintenant bien baiss , et la diff rence est si vidente que je m'imagine parfois tre un des sept Dormants Il m'arrive la m me chose qu' eux: les cus que j'offre sont devenus si rares qu'ils sont regard s plut t comme des m dailles que comme de l'argent. La distinction, autrefois sans cons quence, d'aristocrate et de d mocrate, est devenue un terme d'opprobre et d'amertume l'usage des partis. Les dissensions politiques envahissent et glacent toutes les relations ordinaires de la vie. Le peuple est devenu grossier et despotique, et les hautes classes, par un sentiment de fiert assez naturel, d sertent les amusements publics, o elles ne peuvent para tre qu'au risque d'y tre le but marqu de l'insulte." Lettres d'un t moin de la R volution fran aise, auteure inconnue. dition annot e illustr e de tableaux et de gravures (en noir et blanc).