LES LINOTTES

Le trente et un du mois d'ao?t, vers les neuf heures du matin, Robert Cozal regagna ses p?nates, s'?tant lev? avec les coqs. Il ?tait chauss? d'espadrilles, coiff? d'une casquette de vacher, et il revenait de la rue des Saules o? il ?tait all? boire du vin blanc et manger un bout de saucisson ? la porte d'un mastroquet, en regardant les lentes fum?es des chemins de fer flotter dans l'air bleu des loin- tains. Il en usait ainsi chaque matin, ? moins que le temps s'y oppos?t. Le lundi seulement, et le jeudi, jours o? Mme Hamiet, sa ma?tresse, le venait voir, il modifiait son ordinaire et d?jeu- nait de fromage blanc, crainte de troubler d'un relent d'ail l'extase des intimit?s. Tr?s nomade et capricieux, aimant la nouveaut? jusqu'? changer trois fois par mois son lit de place, histoire de go?ter au r?veil l'exquise impression de la surprise, il n'?tait gu?re un coin de Paris o? cet aimable gar?on n'e?t plant? un instant sa tente. ? la fin il avait fait comme tout le monde, il avait ?chou? ? Montmartre, et, depuis le printemps, il filait d'heureux jours sous les ombrages de la villa Bon-Abri: une double for?t d'acacias et de h?tres d?gringolant ? pic, aux flancs d'une commune all?e, la pente nord de la Butte.