Donatienne

La closerie de Ros Grignon Ils taient assis, l'homme et la femme, en haut de la colline, sur le seuil de la ferme, la t te appuy e sur la paume des mains, lui tr s grand, elle tr s petite, tous deux Bretons de race ancienne. L'ombre achevait de tomber. Une bande rouge, mince comme un fuseau, longue de bien des lieues, peine entam e, et l , par l'ondulation lointaine des terres, laissait deviner l'immensit de l'horizon qu'ils avaient devant eux. Mais il n'en venait presque plus de lumi re, ni aux nuages floconneux qui barraient le ciel, ni sur la for t de Lorges, dont les vallons et les c tes fuyaient en houles m l es. Bancs de nuages dans le ciel, bancs de brume dans le pli des frondaisons, tout tait orient dans le m me sens et tout dormait. Une senteur pre, la respiration nocturne de la for t, passait par intervalles. la limite des bois, trois cents m tres de la maison, une lande ressemblait une tache brune. Puis il y avait un maigre champ de bl noir moissonn et, plus pr s, le petit raidillon pierreux, sem de gen ts, qui portait la closerie de Ros Grignon. Ils taient pauvres. L'homme avait pous , au retour du service, une fille de marin, servante en la paroisse d'Yffiniac, qui est peu distante de celle de Ploeuc. Elle avait quelques centaines de francs d' conomie, des yeux noirs tr s innocents et tr s vifs, sous sa coiffe aux ailes relev es en forme de fleur de cyclamen. Lui ne poss dait rien. Un soldat qui revient du r giment, n'est-ce pas ?......