Artistes contemporains

" L'ann?e 1858 semble devoir ?tre non moins d?sastreuse pour les arts que celle qui l'a pr?c?d?e. A peine les d?pouilles mortelles de Mlle Rachel ont-elles ?t? d?pos?es dans la n?cropole de la grande cit? qu'elle avait ?merveill?e de l'?clat de son talent, que Lablache dispara?t aussi en laissant sur le th??tre o? il a brill? pendant quarante ans un vide immense. Si l'on a eu raison de dire que la grande com?dienne fran?aise emporte, sous les bandelettes qui enveloppent ses membres glac?s, la trag?die du si?cle de Louis XIV, l'une des plus nobles manifestations de la po?sie dramatique, on peut affirmer, avec plus de v?rit? encore, qu'avec Lablache a disparu un des types les plus parfaits de l'ancien op?ra bouffe italien. La gaiet? est bien autrement personnelle, inh?rente ? l'individu et au milieu social o? il se produit, que le don des larmes, ce t?moignage universel de la piti? et de la tendresse humaines. On pleure toujours et partout pour les m?mes causes morales, tandis que le rire, qui na?t d'une dissonance dans le rapport des choses, d'une disproportion entre la volont? et l'acte qui la r?v?le, est le signe d'un caract?re et d'une civilisation particuli?re. Dis-moi de quoi tu ris, et je te dirai quelle est la nature ou la port?e de ton esprit, a dit un philosophe. Aussi nous est-il plus facile de concevoir la trag?die grecque et de nous laisser ?mouvoir par le spectacle des m?mes infortunes que de reconstituer la soci?t? et les moeurs pour lesquelles ont ?t? ?crites les com?dies d'Aristophane ou de M?nandre. L'op?ra bouffe italien, tel qu'il a ?t? cr?? au commencement du XVIIIe si?cle par Vinci, L?o et Pergol?se, agrandi par Logroscino et Piccinni, perfectionn? par Guglielmi, Paisiello et Cimarosa, transfigur? par Rossini, est le fruit exquis d'un art et d'une civilisation que nous voyons s'?teindre sous nos yeux. On fera autre chose sans doute, car je ne veux pas m?dire des si?cles futurs, mais on ne produira plus de chefs- d'oeuvre comme le Mariage secret, et