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Beskrivelse
Quel est le roi des societes contemporaines ? Il semble bien que c'est l'Argent. Il a etabli sa domination sur les ruines des pouvoirs historiques ; a mesure que tombent ou decroissent les autorites anciennes, religion, royaute, aristocratie, l'empire de l'argent grandit. C'est lui, deja, le vrai souverain, et ni mers ni montagnes ne bornent sa souverainete. Il rogne sur les esprits non moins que sur les corps, et rares sont les ames qui n'acceptent pas son joug. Il a succede aux dieux qui meurent, aussi bien qu'aux rois qui s'en vont ; il est l'heritier des autels deserts comme des trones vides. C'est a lui, et non plus au Pere celeste, que les generations nouvelles disent dans leur cA ur : Que ton nom soit sanctifie ! que ton regne arrive ! D'ou vient cette royaute de l'argent ? Est-ce bien, chez nous, une usurpation recente, sans racine dans notre passe ? Le principe en est-il en nous-memes, dans nos mA urs, dans nos conditions materielles et morales, politiques et religieuses ? ou bien, tout au rebours, est-ce une domination etrangere, antipathique a notre race, imposee aux nations chretiennes par des hommes d'un autre sang et d'une autre foi ? Il importe de le savoir, si nous voulons nous affranchir de cette lourde tyrannie de l'argent. - Mais sommes-nous vraiment anxieux de nous emanciper ? Etre riche est le premier vA u de l'homme moderne. S'il croyait encore aux fees, la fee de la richesse, pour laide fut-elle, serait la marraine qu'il appellerait au berceau de ses enfants. Etre riche est une vocation pour laquelle chacun se sent ne. La richesse a toujours ete estimee des hommes ; mais elle semblait placee si haut, jadis, que le grand nombre osait a peine lever les yeux sur elle. Aujourd'hui, tous voudraient en avoir leur part : qui n'y reussit point s'en irrite, et le pardonne mal a la societe. L'amour du bien-etre et, aussi, le desir de jouir de la vie ont envahi toutes les classes. C'est un des traits de la democratie contemporaine. Les peuples modernes ont besoin d'etre riches. Le prodigieux developpement de l'industrie semblait devoir mettre les biens de ce monde a la portee de toutes les mains. C'etait comme un engagement d'honneur qu'avaient pris, vis-a-vis des masses, la science et la democratie. Les classes dont autrefois les ambitions ne s'elevaient guere au-dessus de la condition paternelle ont, a leur tour, des aspirations vers le confort, vers le luxe, vers le loisir, vers tout ce que procure l'argent. Si vite qu'ait grandi la richesse, les exigences de la vie civilisee ont cru plus vite encore. Le progres du bien-etre n'a fait qu'augmenter les besoins et provoquer les appetits. Et cela est conforme a la nature de l'homme...