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Beskrivelse
Il est pour les mes faciles s' panouir une heure d licieuse qui survient au moment o la nuit n'est pas encore et o le jour n'est plus. La lueur cr pusculaire jette alors ses teintes molles ou ses reflets bizarres sur tous les objets, et favorise une r verie qui se marie vaguement aux jeux de la lumi re et de l'ombre. Le silence qui r gne presque toujours en cet instant le rend plus particuli rement cher aux artistes qui se recueillent, se mettent quelques pas de leurs oeuvres auxquelles ils ne peuvent plus travailler, et ils les jugent en s'enivrant du sujet dont le sens intime clate alors aux yeux int rieurs du g nie. Celui qui n'est pas demeur pensif pr s d'un ami, pendant ce moment de songes po tiques, en com-prendra difficilement les indicibles b n fices. la faveur du clair-obscur, les ruses mat rielles employ es par l'art pour faire croire des r alit s disparaissent enti rement. S'il s'agit d'un tableau, les personnages qu'il repr sente semblent et parler et marcher: l'ombre devient ombre, le jour est jour, la chair est vivante, les yeux remuent, le sang coule dans les veines, et les toffes chatoient. L'imagination aide au naturel de chaque d tail et ne voit plus que les beaut s de l'oeuvre. cette heure, l'illusion r gne despotiquement: peut- tre se l ve-t-elle avec la nuit ? l'illusion n'est-elle pas pour la pens e une esp ce de nuit que nous meublons de songes ? L'illusion d ploie alors ses ailes, elle emporte l' me dans le monde des fantaisies, monde fertile en voluptueux caprices et o l'artiste oublie le monde positif, la veille et le lendemain, l'avenir, tout jusqu' ses mis res, les bonnes comme les mauvaises. cette heure de magie, un jeune peintre, homme de talent, et qui dans l'art ne voyait que l'art m me, tait mont sur la double chelle qui lui servait peindre une grande, une haute toile presque termin e. L , se critiquant, s'admirant avec bonne foi, nageant au cours de ses pens es, il s'ab mait dans une de ces m ditations qui ravissent l' me et la grandissent, la caressent et la consolent. Sa r verie dura long-temps sans doute. La nuit vint. Soit qu'il voul t descendre de son chelle, soit qu'il e t fait un mouvement imprudent en se croyant sur le plan-cher, l' v nement ne lui permit pas d'avoir un souvenir exact des causes de son accident, il tomba, sa t te porta sur un tabouret, il perdit connaissance et resta sans mouvement pendant un laps de temps dont la dur e lui fut inconnue. Une douce voix le tira de l'esp ce d'engourdissement dans lequel il tait plong . Lorsqu'il ouvrit les yeux, la vue d'une vive lumi re les lui fit refermer promptement; mais travers le voile qui enveloppait ses sens, il entendit le chuchotement de deux femmes, et sentit deux jeunes, deux timides mains entre lesquelles reposait sa t te... Extrait du livre.